Alors que le Parlement européen continue à enquêter sur plusieurs pays accusés d’avoir espionné des personnalités à l’aide du logiciel espion israélien, le Maroc, qui fait partie des États mis en cause, contre-attaque. Ses représentants évoquent un dossier vide.

L’affaire Pegasus, dans laquelle le Maroc est accusé d’avoir espionné des personnalités françaises de haut rang, dont le Premier ministre de l’époque Jean Castex et le président Emmanuel Macron lui-même, « nira-t-elle par faire pschitt ? C’est ce qu’ont laissé entendre les avocats du cabinet français Lombard, Baratelli, Astolfe & associés, chargés de représenter le royaume – et en particulier ses services de renseignement – lors d’une conférence de presse organisée ce 17 février, à Paris.

« Depuis 18 mois, nous attendons toujours le moindre commencement de preuve de ces accusations », a fait observer Me Olivier Baratelli, relevant que si deux juges d’instruction ont été désignés suite aux plaintes de différentes personnes accusant le Maroc d’avoir espionné leurs téléphones, « aucun élément technique ne vient mettre en lumière ces accusations ».

Le 18 juillet 2021, la plateforme Forbidden Stories, l’ONG Amnesty International et un consortium de médias composé entre autres du Monde, du Guardian, du Washington Post ou encore de Radio France publiaient une série d’articles au sujet du logiciel espion commercialisé par l’entreprise israélienne NSO qui servirait à surveiller des opposants, des militants et des journalistes du monde entier, mais aussi des diplomates, des « gures politiques de premier plan et des chefs d’État en infiltrant leur téléphone portable.

Une liste de 50 000 numéros sélectionnés par les clients de NSO, où « gureraient près de 1 000 Français – dont le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, la journaliste de L’Humanité Rosa Moussaoui, le polémiste Éric Zemmour et même… le président Emmanuel Macron. Des personnalités qui auraient, selon cette enquête, été surveillées par les services de renseignement marocains.

Des « accusations fantaisistes, injustes et téléguidées », selon Olivier Baratelli et Rodolphe Bosselut, et qui relèvent de la rumeur puisque les médias qui ont propagé ces allégations l’ont fait « sans fournir aucune pièce, ni document, ni attestation, ni témoignage ». Ils ajoutent qu’ « aucun de ceux qui soutiennent que leur mobile a été surveillé par les services de renseignements marocains n’a été en mesure de fournir son téléphone et d’apporter la preuve que le logiciel l’aurait infecté ».

Par ailleurs, le « rapport » informatique d’Amnesty International sur ce dossier a été contrôlé par des experts informatiques agréés près la Cour d’appel de Paris, près le tribunal judiciaire de Paris et près la Cour de cassation, ainsi que par un expert agréé par la Cour pénale internationale. Les avocats du royaume expliquent qu’aucun d’eux n’a mis en lumière une quelconque in »ltration par le logiciel Pegasus des téléphones des personnes qui se disent visées en France.

« Il convient de rappeler qu’en novembre 2021, la rumeur avait déjà dégon$é. On savait que, par exemple, le téléphone d’Emmanuel Macron n’avait jamais été infecté puisqu’il avait été donné aux services français qui l’avaient ausculté ; Jean Castex avait dit à l’Assemblée nationale que le portable du président ne comportait aucune trace d’un logiciel espion. Et pourtant, plusieurs médias, dont Marianne, continuent à colporter la rumeur », martèlent en chœur Olivier Baratelli et Rodolphe Bosselut évoquant le dossier de couverture de l’hebdomadaire français daté du 16 février titré : « Espionnage, lobbying, infiltration, people, cannabis et immigration – Comment le Maroc nous tient ».

Par ailleurs, les avocats rappellent qu’en Espagne, la plainte contre les services marocains pour espionnage du journaliste Ignacio Cembrero a été classée sans suite, les autorités ibères ayant estimé après analyse de son téléphone qu’il n’a jamais été in »ltré par Pegasus, ni aucun autre logiciel espion.

« On est depuis le début dans une situation folle de surenchère déclarative, sans jamais donner place au contradictoire. J’en veux pour preuve que récemment, devant le Parlement européen, une commission a été mise en œuvre pour s’interroger sur l’utilisation de Pegasus sans convier le Maroc à donner son point de vue, alors que le ministre de l’Intérieur israélien a été convié », pointe Rodolphe Bosse.

« Cela pose question car la commission d’enquête européenne ne peut concerner que des États membres européens. Par définition, on ne peut enquêter que sur ses propres États qui auraient failli aux grands principes ».

« Je suis avocat, pas politologue, mais le Maroc est de manière évidente victime, depuis longtemps, d’une tentative de déstabilisation internationale », conclut Maître Baratelli rappelant que « si le Maroc est exempt de tout reproche à propos de Pegasus, en revanche d’autres États européens, comme l’Allemagne ou les Pays-Pas ont utilisé le logiciel, sans que cela semble déranger qui que ce soit ».

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